13 Mars 2001 : Libération
Après le succès en librairies de son le Harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, paru en 1998 et vendu à 390 000 exemplaires, la psychiatre Marie-France Hirigoyen a repris la plume pour nous livrer, cette semaine, Malaise dans le travail, un deuxième ouvrage, prolongement du premier.
En deux ans, la question du harcèlement moral a mobilisé salariés, médecins et inspecteurs du travail, associations, syndicalistes, psychologues, avocats, y compris parlementaires puisqu’un projet de loi a été voté le 11 janvier. Un grand déballage utile mais excessif. « Toutes les personnes qui se disent harcelées ne le sont pas forcément », écrit Marie-France Hirigoyen qui entreprend, en préambule, de démêler le vrai du faux « Harceler, c’est soumettre sans répit à des petites attaques répétées ». L’acte procède d’une réelle intention de nuire s’inscrivant dans la durée. Or, tous les chefs de service ne sont pas pervers, frustrés, jaloux, violents, ne passent pas l’essentiel de leurs heures de bureau, des années durant, à tenter de détruire le ou les personnes qu’ils jugent indésirables.
Mais le terme de harcèlement sonnait bien, on l’a donc mis à toutes les sauces. Commode, en effet, pour un paranoïaque – et ils seraient nombreux dans les entreprises à souffrir d’un sentiment de persécution – de se dire harcelé. Tentant de traiter son chef de service caractériel de harceleur. « Le comportement tyrannique de certains dirigeants qui font subir une pression terrible d leur entourage, sont violents, méprisants, insultants, ça n’est pas du harcèlement », précise la psychiatre. Lorsque tout le monde en prend pour son grade, c’est fâcheux mais nettement moins grave que lorsque l’attaque est dirigée vers un seul salarié et rarement repérable au premier coup d’œil Le harcèlement se nourrit de non-dits, non de conflits et de coups de gueule. Et s’il se nourrit aussi de stress, là encore, Marie-France Hirigoyen rectifie: « Dans le stress, contrairement au harcèlement, il n’y a pas d’intention malveillants le stressé est pressurise on lui en demande toujours plus, mais dans le but d’augmenter sa productivité pas de se débarrasser de lui ».
A partir de centaines de lettres arrivées à son cabinet, elle a mené une enquête et dressé un portrait-robot de la victime de harcèlement Souvent âgée (62% ont plus de 45 ans), c’est majoritairement une femme (à 70%) harcelée par un homme qui est, dans 58% des cas, son supérieur hiérarchique. Le plus frappant dans cette enquête est sans doute la durée du harcèlement: en moyenne, il dure un peu plus de trois ans, entrecoupés d’arrêts de travail pour 74% des victimes. Dans 36% des cas, le harcelé finit par partir, 30% se mettent en longue maladie. « 66% des personnes harcelées sont effectivement exclues du monde du travail au moins temporairement », note Marie-France Hirigoyen, qui consacre les derniers chapitres de son livre aux moyens de lutter contre le harcèlement et à ce qu’il faudrait faire pour prévenir et pas seulement guérir ce mal des bureaux.