12 Mars 2001 : Le Figaro Economie
Après avoir révélé un phénomène de société dans un premier livre sur Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, la psychiatre Marie-France Hirigoyen récidive en cherchant cette fois à mieux définir cette réalité. « Démêler le vrai du faux » est désormais l’ambition de cette praticienne qui a fait du harcèlement moral une cause militante. S’appuyant sur les multiples témoignages qu’elle a reçus à la suite de la publication de son précédent ouvrage, ainsi que sur les embryons d’études consacrés au sujet, l’auteur convie le lecteur à un voyage souvent familier, parfois angoissant, en compagnie de dirigeants « mégalomanes », de « chefs paranoïaques », de « pervers » et « d’obsessionnels ». Mais tous ne sont pas en position hiérarchique (58 % des cas). Selon l’enquête conduite par Marie-France Hirigoyen, les collègues participent à hauteur de 12 % au harcèlement.
Il faut éviter de se « focaliser sur la personnalité de la `victime, ses faiblesses, ses défauts mais également se méfier dune approche qui considérerait le harcèlement comme inhérent au seul agresseur », prévient néanmoins l’auteur, qui invite à resituer ces déviances dans l’histoire des individus et dans le contexte des organisations professionnelles qui les laissent éclore. Ainsi, « les types de management participatif et libéral, jouant sur la séduction et l’adhésion aux valeurs » seraient plus propices au harcèlement moral, les « pires malveillances se rencontrant souvent dans les associations caritatives sans but lucratif » . De même, les salariés très investis dans leur. travail seraient plus souvent harcelés.
Dans tous les cas, la victime n’en sort pas indemne : elle « porte une cicatrice psychologique qui la fragilise et l’amène à vivre dans la crainte et à douter de tout et de tout le monde ». Ce trouble pouvant même déboucher sur la psychose.. Exemple de cette comptable évincée de ses activités à l’arrivée d’un nouveau responsable. Aucune discussion n’est possible et l’employée ressent alors des troubles délirants. Elle a la conviction que ses voisins l’espionnent, que son téléphone est sur écoute, et elle entend des voix malveillantes. Seule la démission – l’issue la plus fréquente recherchée par les harceleurs – la guérira.
Mais ces pratiques, insiste Marie-France Hirigoyen, ont non seulement un coût psychologique, mais aussi économique. 36 % dés personnes harcelées ont bénéficié d’un arrêt de travail de 3 mois à 1 an, lorsqu’elles ne se retrouvent pas handicapées à la suite d’une tentative de suicide. Face à ce « gâchis », l’auteur soutient la future loi, déjà votée en première lecture au Parlement, qui sanctionne le harcèlement moral par le biais du code du Travail. Mais insiste surtout sur la prévention: « il faut une vraie volonté de changement, des entreprises, mais aussi de chacun des salariés… »